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A la prison de Metz, une chaîne de télé interne animée par des détenus

Derrière les hauts murs en béton gris de la maison d’arrêt de Metz, évasion rime avec télévision : bienvenue sur le Canal interne espace libre (« Ciel »), la chaîne de télé interne de la prison, animée par des détenus.

L’air est moite au sous-sol de l’atelier C de la prison, où l’on accède par un couloir en plein air grillagé et hérissé de barbelés. Ici, même les soupiraux s’entrouvrent à peine et ont des barreaux.

Pourtant il souffle un vent de liberté dans l’étroit QG du Canal interne, à la fois espace de montage vidéo, plateau télé et salle de conférence de rédaction. Ce jour-là, quelques détenus planchent sur une prochaine émission consacrée au Mondial de football au Brésil.

« Il faut parler des équipes favorites seulement, et aussi celles du groupe de la France », suggère Mounir, 30 ans, silhouette courbée et yeux de félin. « Ah non, il faut parler de toutes les équipes, moi je ne suis pas pour la discrimination ! » objecte aussitôt Rabah, un costaud de 34 ans vêtu d’un ample maillot du FC Barcelone.

Vient l’heure de filmer quelques informations à l’attention des détenus. En quelques minutes, la salle se transforme en plateau télé. Chaque détenu s’active, l’un à la régie, un autre aux projecteurs, le clap de tournage claque.

A l’aise devant la caméra, ses notes griffonnées à la hâte à ses pieds, Rabah énonce tranquillement son texte. « Bonjour à tous ! Le conseiller Pôle Emploi, après une longue absence, est de retour. Il interviendra les mardi et jeudi toute la journée, et vendredi en matinée... ».

« Avant j’étais vraiment dissipé, réfractaire aux règles », confie le détenu un peu plus tard. Participer à l’atelier télé l’a rendu « plus altruiste, plus calme, plus réfléchi », assure-t-il, fier du poste de bibliothécaire de la prison qu’il a pu obtenir grâce à son bon comportement.

Au Canal interne, « on est comme une petite famille, on n’a plus l’impression d’être en prison », ajoute-t-il.

’Ne pas rester en vase clos’

« Faire de la télé ça m’apprend plein de trucs qui pourront me servir plus tard quand je sortirai d’ici », estime Mounir, qui apprécie aussi de pouvoir croiser à l’atelier des « gens de l’extérieur » : pour lui, « c’est un luxe, une chance énorme ».

Et puis « ça fait sortir de la cellule, ça nous donne une vue sur le monde du journalisme », une bouffée d’air dans un univers carcéral où « le plus dur c’est la répétition du quotidien » selon Sandra, 33 ans, la seule femme de l’atelier.

Un détenu sans activité reste 20 heures sur 24 dans sa cellule, avec seulement 2 fois 2 heures de promenade matin et après-midi.

L’objectif du Canal interne est « de ne surtout pas rester en vase clos, de faire du lien entre extérieur et intérieur », explique l’opérateur vidéo Aurélien Zann, intervenant externe de l’atelier.

Si les émissions les plus suivies sont les informations sur les dates de passage du juge d’application des peines, ou le « guide arrivant » présentant en images aux nouveaux détenus les procédures de contrôle et de sécurité, le « Ciel » monte aussi des émissions culinaires, musicales ou cinéma, avec parfois des invités extérieurs.

Un mini-film d’animation en carton et pâte à modeler parodiant Star Wars, réalisé par les détenus, a même remporté un prix lors d’un concours de courts-métrages à Metz l’an dernier.

Le Canal interne « fédère les énergies et tire tout le monde vers le haut », en permettant aux détenus impliqués de « mieux se préparer à leur réinsertion dans la société », estime Rachel Bernotti, la directrice de la maison d’arrêt, qui a relancé le projet de chaîne interne en 2012.

Mais elle sait aussi que ce projet, aussi positif soit-il, ne profite qu’à une petite partie des quelque 600 détenus de la maison d’arrêt, où la surpopulation atteint 150%, avec tous les problèmes que cela engendre : tensions, sécurité, ras-le-bol des surveillants.

Par ailleurs la pérennité du projet ne tient qu’à un fil, car chaque année il faut se battre pour renouveler son financement subventionné d’environ 18.000 euros, rappelle la directrice.

AFP

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