Carceropolis, voir autrement la prison
Bandeau Voir autrement la prison
Qui sommes-nous ? | Le projet | Newsletter

Par thème :

RECHERCHE

Pour que la prison devienne l’exception !

Je l’avoue, je ne suis pas de sensibilité de gauche. Mais je me sens tout à fait en phase avec les propos de Christine Taubira, garde des sceaux, qui entend faire de la prison l’exception. Que l’on cherche à protéger la société en incarcérant les délinquants dangereux, cela ne prête pas à polémique ! Mais que l’on considère l’incarcération comme le remède aux problèmes de délinquance, en banalisant la prison, cela est beaucoup plus contestable et en tout cas, trop facile.

Car, malgré les kyrielles de lois votées sous le précédent quinquennat pour durcir la répression ou pour sanctionner davantage la récidive (six lois en six ans !), les résultats ne sont guère au rendez vous ! Et pour cause, les prisons sont de plus en plus pleines (67 000 détenus pour 57 000 places disponibles, 25 % des personnes incarcérées étant en détention provisoire, c’est-à-dire en attente d’être jugées) avec en outre, un triste constat : 59 % des anciens détenus sont à nouveau condamnés dans les cinq années suivant leur libération.

Et pourtant, les signaux d’alarme ne manquent guère depuis une décennie pour dénoncer un système carcéral qui coûte cher à la collectivité, qui dans la majorité des cas ne résout pas les problèmes et constitue même une machine à récidive. On se souvient ainsi du rapport du Sénat au titre évocateur : Prisons, une humiliation pour la République (2000) ou du livre de Guy Gillbert : Des jeunes y entrent, des fauves en sortent (Stock, 1982).

Mais même en dehors de ces considérations, il ne faut guère oublier que la France est membre d’institutions, comme le Conseil de l’Europe, qui recommandent depuis 2006, que l’incarcération ne soit utilisée qu’en "dernier recours". Qui plus est, faut-il rappeler, avec une certaine honte, le rapport du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg qui avait déclaré qu’il n’y avait pas pire situation carcérale qu’en France... à part peut être en Moldavie ? A partir de ce constat, nul ne sera étonné que l’Etat français, c’est-à-dire nous même en tant que contribuable, soit sans cesse condamné pour mauvais état de ses prisons portant atteinte à la dignité des détenus.

Force est donc de constater que vis-à-vis de délinquants souvent en manque de repères, la prison ne constitue pas, dans la majorité des cas, une réponse adaptée. Et dans ces conditions, la construction de nouvelles prisons, pour un coût substantiel, comme le proposent certains hommes politiques, ne pourrait avoir pour objectif que de satisfaire les aspirations d’une frange de la population, tout en aggravant un échec ! D’autres voies peuvent être développées et amplifiées permettant au délinquant de purger une peine (où le travail occupe une place centrale) tout en l’aidant à se réinsérer. Avec en outre la préoccupation pour le législateur de se soucier tant de l’intérêt de la victime que de celui du délinquant. Car, à force de mettre au centre les (légitimes) intérêts de la victime, on a parfois oublié le délinquant dont il faut assurer la réhabilitation. N’est ce pas le grand humaniste Robert Schuman, père de l’Europe, qui déclarait qu’il serait toujours derrière celui qui a les menottes ?

Souhaitons donc que la "conférence de consensus" le 18 septembre convoquée par la garde des sceaux apporte des idées originales, novatrices, et qui seront suivies d’effet. Sans doute est-il temps que la France, patrie des droits de l’homme, devienne pour le monde une référence en matière de politique pénale.

François Taquet, professeur de droit et avocat

>> http://www.lemonde.fr/idees/article...
Carceropolis, le site
Découvrez le site carceropolis.fr
la plateforme multimédia pour voir autrement la prison.


Aidez Carceropolis, donnez en ligne
Soutenez Carceropolis en faisant un don en ligne.