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Réforme pénale : à quoi ressemblera une "peine de probation" ?

Alors que les derniers arbitrages de la réforme pénale devraient être rendus vendredi 30 août, la peine de probation apparaît comme l’un des dispositifs clés de la chancellerie dans la lutte contre la récidive et la surpopulation carcérale. Les contours de ce nouveau dispositif ont été dessinés par la ministre de la justice, Christiane Taubira, mais ils pourraient évoluer en raison de ses différends avec le ministère de l’intérieur.

Une peine alternative à l’emprisonnement

"Nous créons une peine de probation, qui est une peine en milieu ouvert, restrictive de liberté, que nous appelons la contrainte pénale." C’est en ces termes que Christiane Taubira a annoncé, le 24 août à l’université d’été du PS à La Rochelle, une des mesures-phares de la réforme pénale, dont les derniers arbitrages devraient être rendus le 30 août. Le dispositif suscite une forte opposition à droite, mais aussi au ministère de l’intérieur.

Le projet de loi, en l’état actuel, précise que cette "contrainte pénale" consiste "dans l’obligation pour la personne condamnée d’être soumise, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des mesures d’assistance, de contrôle et de suivi adaptées à sa personnalité et destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société, tout en respectant certaines obligations ou interdictions justifiées par sa personnalité ou les circonstances de l’infraction".

Les modalités de ce programme individualisé ne sont pas encore connues, mais elles pourraient, par exemple, comporter des travaux d’intérêt général, assortis d’une obligation de suivi médical, une médiation ou encore un stage de sensibilisation. Au Canada ou en Suède, très en pointe sur l’accompagnement des condamnés, il existe notamment des programmes de gestion de la colère ou des suivis spécifiques autour des violences familiales.

La création de la peine de probation ne signe pas pour autant la fin des autres peines alternatives à l’emprisonnement (travaux d’intérêt général, placement sous surveillance électronique, suivi socio-judiciaire).

Un dispositif plus abouti que le sursis avec mise à l’épreuve

Cette nouvelle peine ne devrait finalement pas remplacer le sursis avec mise à l’épreuve (SME), auquel ont aujourd’hui massivement recours les magistrats ; au 1er avril 2013, les SME représentaient 73,13 % des mesures suivies par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, selon l’Observatoire international des prisons. Les deux dispositifs devraient cohabiter, au moins dans un premier temps.

Dans le cadre du SME, le condamné purge sa peine en milieu ouvert et doit se soumettre à un certain nombre d’obligations et d’interdictions. Ce sera également le cas s’il écope d’une peine de probation. Mais "la différence de taille tient à ce que la peine de probation est, elle, complètement déconnectée de la peine d’emprisonnement", explique Sarah Dindo, présidente de la section française de l’OIP, qui espère également que l’accompagnement du justiciable sera plus approfondi.

En cas de non-respect de ses obligations, le condamné ne retournera pas automatiquement en prison, à la différence du SME. Les manquements au régime de la peine de probation constitueront cependant un délit, qui sera suivi d’un renvoi devant le tribunal. C’est le juge d’application des peines qui sera alors chargé de prononcer une nouvelle sentence.

Pour des délits passibles d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans

La loi précisera pour quels délits la peine de probation peut être ordonnée, mais Christiane Taubira a déjà déclaré qu’elle ne concernerait que les prévenus comparaissant pour un délit passible d’une peine de prison inférieure ou égale à cinq ans. Toutefois, ce niveau de peine couvre des catégories politiquement sensibles à défendre lors du débat au Parlement, notamment certaines violences.

Cette nouvelle mesure n’empêchera pas le juge de prononcer une peine d’emprisonnement, ou autre, s’il considère qu’elle est plus appropriée.

Alarmiste, le criminologue Alain Bauer affirme au Figaro que "si cette mesure concerne toutes les condamnations pour délit de moins de cinq ans, cela représenterait 98 % des décisions avec ou sans sursis" actuelles. Ce qui n’est en réalité pas le cas : pour parvenir à ce résultat, l’expert s’appuie sur les statistiques de l’année 2011, publiées en février 2013.

Sur un total de 117 999 condamnés pour un délit, 98 % l’ont en effet été à des peines inférieures à cinq ans d’emprisonnement. Mais ces statistiques prennent seulement en compte les condamnations de ces justiciables, pas les peines encourues par ces derniers, lesquelles peuvent excéder les cinq ans d’emprisonnement. Or, dans ce panel, le nombre de personnes dont les délits sont passibles d’une peine supérieure à cinq ans de prison, et qui donc ne pourraient pas bénéficier d’une peine de probation, n’est pas connu. En guise de prévisions, la chancellerie a pour sa part évoqué un chiffre oscillant entre 16 000 et 25 000 probationnaires.

Objectif : la baisse de la récidive

Avec les aménagements de peine, la peine de probation est au cœur de la lutte du ministère contre la récidive et la surpopulation carcérale (67 683 détenus au 1er août). C’était l’une des recommandations de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, qui s’est déroulée en février.

Comme l’expliquait alors au Monde Nicole Maestracci, présidente du comité d’organisation de cette conférence, "on sait avec certitude que les peines exécutées en milieu ouvert favorisent moins la récidive que les peines de prison". Reste que cette nouvelle peine repose avant tout sur le suivi individualisé du justiciable, lequel demeure en France "très artisanal" selon l’OIP, la plupart des conseillers ayant plus de 100 dossiers à traiter, contre 40 préconisés par le Conseil de l’Europe.

Le ministère de la justice a pour l’instant annoncé la création de 300 postes supplémentaires de conseillers d’insertion et de probation, lesquels étaient 3 223 titulaires en janvier 2013. Selon l’OIP, le nombre actuel de condamnés nécessiterait la création de 1 500 postes supplémentaires.

Solène Cordier

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