Comme pour bien d’autres objets, il y a différentes façons d’analyser la prison en sociologie. On peut l’observer de front, en se centrant sur le coeur de l’institution carcérale : faire l’histoire des politiques pénales, observer l’évolution des droits des détenus, évaluer le sens de l’enfermement, étudier le primat des logiques punitives/sécuritaires sur les autres modes de justification de la sanction, typer les relations entre personnes détenues et personnels pénitentiaires... On peut aussi l’observer par la marge, avec des focales atypiques. C’est ce second choix qu’a opéré Fanny Salane, en travaillant sur les expériences des " détenus-étudiants ". Peu de détenus sont engagés dans un parcours de formation, qui plus est pour préparer un diplôme supérieur et peu de travaux scientifiques se sont consacrés à cette population. La confrontation établie avec les nombreux travaux existant sur la prison et les rapports aux études en devient tout à fait inédite. Cette clé de lecture atypique n’aboutit pas à des résultats périphériques, tant dans le champ de la sociologie de la prison, que dans celui de la sociologie et des sciences de l’éducation. Au-delà des éléments descriptifs sur la vie des détenus-étudiants, leurs rapports aux études, leurs identités et trajectoires biographiques, ce travail apparaît comme un excellent révélateur d’une part du fonctionnement carcéral, d’autre part des rapports des étudiants à leurs études.
