Cet article propose, à partir de notions et de concepts développés par Goffman et par la socio-anthropologie du jeu, une analyse de l’expérience vécue par des détenues dans l’espace du sport collectif en milieu carcéral. Les études sociologiques pénitentiaires tendent le plus souvent à expliquer les conduites des reclus en termes de stratégies et de résistances. Il est certes indéniable que les contraintes liées à l’incarcération génèrent de multiples pertes pour les prisonniers, et que ces derniers tentent de mettre en place des dispositifs de contournement et de compensation. Néanmoins, sur base de l’aménagement de ces dispositifs consistant à mobiliser des objets et phénomènes transitionnels variés, et dans des conditions environnementales (topologiques, humaines et matérielles) qui les mettent suffisamment en confiance, certains détenus parviennent à vivre des expériences créatives (impression de s’ “évader”, de ne plus être prisonniers). En dépit du caractère, précaire, transitoire et situé de ces formes d’expériences, celles-ci permettent dans une certaine mesure de suspendre et d’atténuer les contraintes, de se libérer émotionnellement et de “tenir” dans le temps.
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