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Prisons : matelas au sol, surpopulation... À quand des mesures concrètes pour les détenus ?

L’adoption de la loi du 15 août 2014 laissait espérer une amélioration des conditions de détention dans les prisons françaises. Pour autant, le professeur de droit Éric Senna nous explique qu’on y observe à la fois l’augmentation de la population carcérale et l’aggravation des conditions de détention.

Dans la circulation quotidienne, un feu rouge ordonne aux conducteurs concernés un arrêt obligatoire. Dans les prisons, il semble que ce signal soit ignoré. La régulation des flux de détenus demeure pour le moins erratique, même après l’adoption de la loi du 15 août 2014 sur laquelle nombreux avaient fondés des espoirs, rapidement contrariés par une double tendance : l’augmentation de la population pénale détenue et l’aggravation du surpeuplement carcéral.

Augmentation continue de la population détenue

Malgré la progression des aménagements de peine, qui permettent d’assurer l’exécution des peines hors de la prison, la population pénale détenue continue sa progression, autant pour les condamnés que pour les prévenus.

Comme le nombre de places disponibles n’augmente pas en proportion, de nombreuses maisons d’arrêt se trouvent en situation de saturation permanente et ne peuvent plus assurer correctement leurs missions fondamentales. Elles s’affranchissent en tout ou partie d’un certain nombre de règles, comme celle de la séparation entre le prévenu et le condamné, celle entre le mineur et le majeur, l’accès aux soins et aux services de probation, le confinement en cellule...

Accélération de la dégradation des conditions de détention

L’un des critères d’évaluation de cette dégradation est le décompte mensuel des matelas au sol, qui témoigne du seuil de criticité de la surpopulation carcérale.

Le fait que cet indicateur soit maintenant institutionnalisé révèle que ce dérèglement s’amplifie.

Force est de constater que ce sujet n’a pas été traité de manière pleinement efficace par les pouvoirs publics, aux moyens de mesures drastiques à l’instar de ce que l’Italie a pu mettre en place en 2015, il est vrai, sous la pression d’un arrêt pilote rendu en janvier 2013 par la Cour de Strasbourg.

Mesures concrètes

Dans l’immédiat, afin d’endiguer cette double-tendance, plusieurs mesures concrètes simples pourraient être envisagées à court terme :

 Autoriser la publication du rapport de visite dès son adoption par le Comité européen de prévention de la torture, que ce dernier a effectué au mois novembre 2015, avant même que les autorités françaises ne présentent leurs observations en réponse,

 Généraliser les visites effectives de parlementaires dans les établissements importants, accompagnés de journalistes, comme la législation le permet dorénavant, et les systématiser pour les prisons qui dépassent un taux d’occupation de 150 %,

 Accélérer les affectations vers les établissements qui disposent de places disponibles,

 Pour les maisons d’arrêt dépassant un taux d’occupation de 200%, prévoir que toute nouvelle admission donne lieu à un transfert ou à une libération aménagée selon une liste de détenus établie conjointement et mensuellement par le Procureur de la République et le Chef d’établissement, après information de la commission d’application des peines,

 Renforcer en urgence les moyens des services de probation et alléger les tâches administratives confiées à ses agents,

 Doter toutes les juridictions de l’accès au logiciel leur permettant de connaître en temps réel l’état des effectifs dans les établissements de leur région.

Ce n’est qu’à ce prix que la France démontrera rapidement sa capacité à respecter dans ses prisons, et ce quelques soient les circonstances, les dispositions des articles 2 et 3 de la CESDH (droit à la vie et prohibition des traitements inhumains et dégradants), lesquels ne peuvent et ne font pas l’objet de la dérogation provisoire liée à l’état d’urgence. Car déroger, ce n’est certainement pas se mettre à l’abri d’un constat de violation.


Par Eric Senna
Professeur de droit

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