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Radicalisation : la contrôleure des prisons défavorable au regroupement des détenus islamistes

La contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, se dit « défavorable » au regroupement des détenus islamistes dans le cadre de la lutte contre la radicalisation en prison et pointe le caractère « potentiellement dangereux » de cette mesure.

La contrôleure a publié mardi un rapport d’enquête fouillé sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral et un avis au Journal officiel.

Le Premier ministre Manuel Valls avait annoncé en janvier après les attentats de Paris sa décision de regrouper les détenus islamistes dans des quartiers dédiés, dans le prolongement d’une expérience menée à Fresnes depuis octobre 2014, pour éviter le prosélytisme religieux radical et favoriser la prise en charge des personnes radicalisées.

Pour mieux comprendre ce phénomène, des contrôleurs se sont rendus, de janvier à avril, dans quatre établissements de la région parisienne - Fresnes, Réau, Osny et Bois-d’Arcy - pressentis pour accueillir des unités de regroupement.

Ils y ont interrogé chefs d’établissement, gardiens, détenus mais aussi des magistrats, avocats, sociologues ou membres des services de renseignement.

Dans ses conclusions, la contrôleure générale estime que « le regroupement des détenus radicalisés présente des risques qui ne paraissent pas avoir été pris en compte, notamment la cohabitation de personnes détenues présentant des niveaux d’ancrage très disparates dans le processus de radicalisation ».

- Risque de créer « des bombes à retardement » -

« Le regroupement facilite le prosélytisme. Il y a un risque d’effet démultiplicateur et aggravant. On risque de créer des bombes à retardement », a déclaré Adeline Hazan devant la presse.

Pour la contrôleure, « les difficultés d’identification des personnes visées ne sont pas résolues » et « la grille d’évaluation de la +dangerosité+ n’est plus adaptée à l’évolution du phénomène ».

La contrôleure juge ainsi « discutable » le seul critère d’une condamnation pour des faits terroristes retenu à Fresnes, où 22 détenus ont déjà été isolés. Ce critère « ne prend pas en compte les cas d’autres personnes détenues pour d’autres motifs, susceptibles d’être davantage ancrés dans un processus de délinquance », selon Mme Hazan.

Et, « depuis 2014 », les comportements des islamistes en prison ont changé, souligne le rapport, selon lequel « une consigne de dissimulation semble avoir été donnée pour cesser d’arborer des signes ostensibles de fondamentalisme ».

En réponse, la garde des Sceaux annonce dans une lettre que deux des unités de regroupement (Fleury Mérogis et Fresnes) « seront consacrées à l’évaluation des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation ». Christiane Taubira précise aussi qu’« un travail d’amélioration de la grille d’évaluation a été engagé début 2015 ».

Par ailleurs, pour la contrôleure l’expérience de Fresnes « ne démontre pas que cette pratique nouvelle ait eu un effet apaisant sur le reste de la détention. A l’inverse, les personnes regroupées ont pour la plupart confié leur crainte d’être étiquetées durablement islamistes radicaux, et de ne pouvoir se défaire de l’emprise de leurs codétenus ».

- Dispersion -

« Ce regroupement sera tout bénéfice pour les recruteurs », juge dans le rapport un fonctionnaire pénitentiaire pour qui, « si on veut vraiment les séparer, il faudrait construire un +Guantanamo+. Est-ce cela que l’on souhaite ? ».

Car « la question de la suite de leur parcours pénal doit se poser et l’une des difficultés de la mesure, c’est de savoir comment on en sort », souligne la hiérarchie pénitentiaire.

Autre effet induit par ces regroupements en région parisienne, la coupure des détenus avec leur famille dont tous les experts soulignent l’importance pour « les convaincre de changer de voie ».

Alors, plutôt qu’un regroupement, plusieurs intervenants prônent une « dispersion », une option déjà retenue en Grande-Bretagne ou en Belgique.

Pour les jeunes qui reviennent d’eux-mêmes de zones de conflits, la contrôleure s’interroge également : « les pouvoirs publics doivent se poser la question de savoir si l’incarcération est la seule solution ».

Enfin, Adeline Hazan regrette l’absence de « formation particulière » des personnels affectés à ces unités, le manque « d’informations sur les modalités d’encadrement » et « les conditions de détention » qui « laissent craindre « un éventuel glissement vers un isolement de facto de ces personnes ».

Quelque 220.000 euros ont été consacrés à la formation des personnels « dès 2015 », précise la ministre de la justice.

AFP

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